Barème Macron : Licencier un CDI sans cause reviendrait moins cher que de payer la prime de précarité d'un CDD ? C'est plus compliqué que ça...
14 mai 2022
- La Cour de cassation a validé, ce mercredi, le « barème Macron » qui plafonne les indemnités pour licenciement abusif ou sans cause réelle aux prud’hommes.
- Une idée, de plus en plus virale sur les réseaux sociaux, voudrait qu’il revienne désormais à moins cher pour une entreprise d’embaucher en CDI avec la possibilité de licencier sans cause, plutôt que d’embaucher en CDD et de verser une prime de précarité à la fin du contrat.
- Le montant des planchers et plafonds d’indemnités fixés aux prud’hommes dépend de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié dans cette même entreprise.
Mercredi, la Cour de cassation a validé le « barème Macron », l’ordonnance qui plafonne les indemnités pour licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse aux prud’hommes. Adopté en 2017, ce barème avait été mis à mal par plusieurs juridictions qui étaient passées outre ce plafonnement, en s’appuyant sur l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 ratifiée par la France. En écartant la possibilité de juger « au cas par cas », la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français entérine l’application du barème.
L’annonce a remué les réseaux sociaux, et plusieurs internautes ont émis le constat que désormais, un employeur paiera moins cher en licenciant un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) sans cause plutôt que de devoir verser la prime de précarité à un salarié en contrat à durée déterminée (CDD). Une idée qui, si elle était avérée, pourrait transformer le monde du travail et le marché de l’emploi.
La réalité n’est pas si absolue puisque cette affirmation n’est vraie que dans certains cas. La prime de précarité est une indemnité versée au salarié en CDD au terme de son contrat s’il ne se poursuit pas par un CDI. Elle est égale au minimum à 10 % de la rémunération brute totale versée durant le contrat. Il existe toutefois des exceptions pour lesquelles ce pourcentage est limité à 6 % par une convention ou un accord collectif de branche étendue (et en contrepartie d’un accès privilégié à la formation professionnelle). Elle peut ne pas être versée dans certains cas particuliers, comme le refus d’un CDI pour le même emploi par exemple (Les exceptions sont détaillées sur le site de l’URSSAF).
Le « barème Macron » dépend lui de deux critères : la taille de l’entreprise (moins de 11 salariés ou 11 salariés et plus) et l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ainsi, en fonction de ces critères, l’entreprise devra verser des sommes différentes à son salarié licencié de manière abusive ou sans cause, sommes parfois moins importantes qu’une prime de précarité pour un CDD d’ancienneté équivalente, parfois plus.
Gagnants-Perdants… Cela dépend aussi de la taille de l’entreprise
Par exemple, pour un CDD de 12 mois qui touche un salaire de 2.000 euros brut, une entreprise, quelle que soit sa taille, lui versera 2.400 euros à la fin de son contrat. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un salarié en CDI au bout de 12 mois au même salaire, l’entreprise de moins de onze salariés devra verser entre 1.000 et 2.000 euros selon la décision du juge. Une entreprise de onze salariés ou plus devra, elle, verser entre 2.000 et 4.000 euros.
Autre exemple, pour un CDD de 24 mois qui touche un salaire de 4.000 euros brut, l’entreprise devra lui verser 9.000 euros de prime de précarité. Pour un CDI, l’entreprise de moins de onze salariés versera entre 2.000 et 14.000 euros, et entre 6.000 et 14.000 euros pour l’entreprise de onze salariés ou plus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Des risques importants en comparaison des gains financiers
Pour connaître la fourchette dans laquelle un salarié en CDI licencié sans cause se trouve, il peut se rendre sur le site service-public.fr qui propose un tableau des différentes possibilités. Le site rappelle que lorsque le juge constate que le licenciement est nul parce qu’il est intervenu dans certaines conditions (harcèlement, violation de libertés fondamentales, etc.), le barème Macron ne s’applique pas, donc le montant de l’indemnité prud’homale ne peut pas être inférieur aux salaires des 6 derniers mois.
Interrogée sur ces sujets par 20 Minutes, Claire Abate, avocate en droit social fondatrice du cabinet AC Legal Avocat, précise qu’il est peu probable que la mesure entraîne un basculement des embauches en CDI pour privilégier un licenciement sans cause même s’il s’avérait moins coûteux pour l’employeur qu’une prime de précarité : « Les entreprises ne vont pas jouer à calculer au centime ce qu’il leur en coûterait dans ce type de cas. D’abord parce qu’elles ont une image de marque à préserver, et les jugements aux Prud’hommes ne sont pas reluisants pour elles. Mais aussi parce qu’elles ont un climat social à préserver. Elles ne vont pas s’amuser à multiplier les licenciements abusifs au risque de perdre la confiance des employés qui restent. »