Des précisions essentielles sur la procédure de contestation de l'inaptitude du salarié
16 novembre 2021
L’inaptitude du salarié se définit comme l’incapacité du salarié à occuper son poste de travail même aménagé, adapté ou transformé. Cette inaptitude est constatée par le médecin du travail à la suite d’au moins un examen médical en cours d’exécution du contrat de travail ou à l’issue d’un arrêt maladie, après étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur. Les procédures applicables à l’inaptitude d’origine non professionnelle et professionnelle sont, même pour les professionnels RH les plus aguerris, de véritables chausse-trappes.
En cas de contentieux, un licenciement pour inaptitude physique peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse, voire nul en cas de faute commise par l’employeur. L’entreprise doit alors verser au salarié des dommages et intérêts conséquents, voire un rappel de salaires pour la période couverte par la nullité. Il est donc important de sécuriser ses pratiques. La procédure a beaucoup évolué ces dernières années avec la loi Travail du 8 août 2016 et son décret d’application du 27 décembre 2016, en harmonisant la procédure d’inaptitude physique et ce quelle qu’en soit l’origine (professionnelle ou non), en aménageant les modalités de constatation de l’inaptitude physique par le médecin du travail et en transférant le recours contre les avis du médecin du travail (initialement confié à l’inspecteur du travail) au conseil de prud’hommes statuant en la forme des référés.
Sur ce dernier point, l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 ont quelque peu modifié la procédure de contestation des avis, propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. Il s’agit désormais d’une procédure dite « accélérée au fond ». Cette procédure est composée de deux étapes. Une première audience rappelant l’objet du litige et à l’issue de laquelle le conseil de prud’hommes peut ordonner une mesure d’instruction et une seconde audience, qui a lieu après le dépôt du rapport d’expertise, statuant sur le fond du litige. Ces derniers mois, la Cour de cassation et le ministère du travail sont venus apporter des précisions sur le délai pour agir en contestation de l’avis d’inaptitude, sur l’objet même de la contestation et sur l’impact du non-respect par le médecin du travail de la procédure d’inaptitude.
Le délai pour agir
En vertu des dispositions de l’article R. 4624-45 du code du travail, le délai dont dispose l’employeur et le salarié pour saisir le conseil de prud’hommes est de 15 jours à compter de la notification de l’avis rendu par le médecin du travail. Pour la Cour de cassation, ce délai court à compter de la réception de l’avis (arrêt du 16 juin 2021) et non à compter de la réception des éléments de nature médicale le justifiant (arrêt du 2 juin 2021). Reste à savoir comment décompter les jours. A priori, en jours calendaires, mais cela reste encore à confirmer. Affaire à suivre…
L’objet du recours, l’avis d’inaptitude en question
Le ministère du travail a, dans un question-réponse du 26 octobre 2020 relatif au « recours contre un avis d’inaptitude », précisé ce qui est contestable devant le conseil de prud’hommes, à savoir les déclarations d’aptitude pour les salariés affectés à des postes à risques, les aménagements de poste ou temps de travail recommandés par le médecin du travail et les constats d’inaptitude. La Cour de cassation est venue apporter des compléments d’analyse sur la définition de l’avis d’inaptitude. Les mesures d’aménagement préconisées entraînant une modification du contrat n’impliquent pas forcément la formulation d’un avis d’inaptitude. En effet, il ne faut pas confondre « avis d’inaptitude physique » avec « avis d’aptitude avec réserves » (arrêt du 24 mars 2021).
Le non-respect par le médecin du travail de la procédure d’inaptitude
La Cour de cassation a récemment été consultée par le conseil de prud’hommes de Cayenne pour rendre un avis sur la contestation de l’avis du médecin du travail (avis du 17 mars 2021). Trois questions ont été posées à cette occasion. La Cour de cassation a répondu uniquement à la première et ce de manière négative : le conseil de prud’hommes est-il compétent pour connaître de l’irrespect par le médecin du travail des règles édictées par le code du travail en ses articles L.4624-4 et R.4624-42, encadrant la procédure de constat de l’inaptitude physique du salarié ?
Elle indique que la contestation doit porter sur l’avis du médecin du travail. Les vices de forme ne peuvent affecter à eux seuls la validité de l’avis médical. L’avis de la Cour de cassation est dans la droite lignée du question-réponse du ministère du travail, qui précise que ne rentre pas dans le champ d’application des contestations des avis du médecin du travail, le déroulé de la procédure d’aptitude ou d’inaptitude (vices de procédure).
Le conseil de prud’hommes pourra examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis et il lui appartiendra d’ordonner toute mesure d’instruction. Sa décision se substituera aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées. Force est de constater que plus les étapes de la procédure prévue par le code du travail seront respectées par le médecin du travail et plus son avis médical apparaîtra comme solide et fiable.
Sur le même sujet, la Cour de cassation a dû récemment trancher la question suivante : est-ce que l’erreur du médecin du travail dans l’intitulé du poste de travail du salarié serait susceptible d’être invalidée pour non-respect de la procédure ?
C’est par la négative qu’elle a répondu à cette question, en considérant qu’il ne s’agissait que d’une erreur de plume n’affectant pas la validité de l’avis et ne justifiant pas en soi un recours (arrêt du 16 juin 2021), dans la mesure où avant de déclarer le salarié inapte, le médecin du travail s’était déplacé dans l’entreprise pour y réaliser une étude de poste, dont il avait pris la peine de vérifier concrètement les conditions d’exercice des fonctions du salarié et d’échanger avec l’employeur, qui avait été en mesure de formuler des observations.
L’inaptitude risque de faire couler encore beaucoup d’encre…